Traversée des Pyrénées d'Est en Ouest par le GR10
De Banyuls à Hendaye, juin-juillet 2012


Pourquoi ?
Beaucoup de gens me posent cette question alors que la réponse me semble évidente : pour le plaisir de la randonnée dans les paysages de montagne, pour cette sensation ressourcante qu'est l'immersion dans une nature préservée, et aussi pour le défi personnel d'accomplir ce trajet mythique, d'une mer à l'autre.
Ce genre de périple nécessitant par nature une bonne organisation il fallait bien chiffrer un objectif. L'idée était d'accomplir le GR10 en moins de 7 semaines et en marchant 7 heures par jour en moyenne (mon rythme de confort). Ce que j'ai fait tout en me réservant une journée de 'repos' par semaine (3-4h de marche, seulement le matin). Donc pour ceux qui seraient pressés, et en prenant en compte également les 2 journées où je n'ai pas du tout marché (voir plus loin), la traversée est largement faisable en 6 semaines.



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Quand partir, et dans quel sens ?
J'ai choisi de parcourir le GR10 'à l'envers' pour plusieurs raisons et notamment la météo.
Je voulais randonner plutôt au début de l'été (juin-juillet) donc j'ai choisi de partir de Banyuls en me basant sur les a priori météo dans les Pyrénées. L'été s'installe bien plus tôt en Catalogne que dans l'Ouest de la chaîne, donc en juin il fait déjà beau quasiment tout le temps. Alors qu'au Pays Basque juin a plus de chance d'être pluvieux. De plus arriver fin juillet coté Méditerranée c'est la canicule garantie et les orages qui vont avec.
J'ai calculé que dans les 2 sens il faut une dizaine de jours pour arriver à d'éventuels névés. Coté oriental il fait beau et chaud plus vite en juin et donc la neige font plus tôt.
Enfin en préparant ma traversée je n'ai trouvé sur la toile que des témoignages de traversée d'ouest en est (le GR10 est toujours décrit ainsi dans les guides...). N'aimant pas trop le panurgisme et souhaitant réaliser quelque chose d'un peu différent partir de l'est vers l'ouest me semblait donc encore plus sympa.
Avec le recul j'aurai pu partir une ou deux semaines plus tôt. à mon avis la meilleure période pour le départ est la première quinzaine de juin.


Bilan
Au total j'ai parcouru 772 km et quasiment 40.000 m de dénivelé positif.

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Clé pour le tableau : Les stats d'une étape sont sur la ligne du point d'arrivée de l'étape. Par exemple entre Tagnarède et Col del Priorat j'ai gravi 380 m, descendu 965 m, parcouru 18,3 km, pour 5h de marche. La colonne ravi. indique les étapes où on peut trouver du ravitaillement. Pour la météo S=soleil, N=nuageux, B=brouillard, P=pluie, O=orage.

Au niveau météo, j'ai eu en cumulé 27 jours de soleil sur 48, dont 2 de grosse canicule (+39C à Arles sur Tech !). J'ai eu peu de pluie finalement (une journée et demi) et seulement 2 orages.
Par contre j'ai eu 8 jours et demi de brouillard, dont 3 journées dans la vraie purée de pois du matin au soir. D'expérience le brouillard est beaucoup plus génant que la pluie, non seulement pour s'orienter mais aussi au niveau confort. Les pieds se mouillent beaucoup plus vite dans une végétation trempée de goutelettes de brouillard que sous la pluie. Et le gore-tex n'y peut rien.
Il reste 11 jours où le temps était couvert mais sans être dans le brouillard, ce qui n'est pas très génant.
Finalement j'aurais eu du mauvais temps dans deux régions réputées pour cela : le Couserans et le Pays Basque intérieur.


Rythme de marche
Cela dépend de chacun évidemment. Personnellement je sais qu'enchaîner des journées à 7h de marche est mon maximum pour rester dans un ryhtme confortable, au-delà j'accumule trop de fatigue et je m'épuise rapidement.
Les temps indiqués dans le tableau sont les temps de marche effectif (sans les pauses). Donc par exemple pour une étape de 7h, il faut rajouter grosso-modo 4 petites pauses d'un quart d'heure et 1 grosse pause d'1h le midi, ce qui fait 9h passées 'sur la route'.
En général j'ai mis les mêmes temps que ceux annoncés dans le topoguide, sauf au Pays Basque où j'étais beaucoup plus rapide.
La première semaine, en ascension, j'avais du mal à faire du 400 m/heure (rythme moyen sur lequel sont calculés les temps du topoguide). Je faisais plutôt entre 350 et 400m/h. Les 2 dernières semaines je faisais du 500 m/h facile. Sur un périple de plusieurs semaines, le corps s'habitue et s'adapte !
J'ai aussi pas mal maigri. Le jour de mon arrivée à Hendaye je faisais 6 kilos de moins que le jour de mon départ. J'ai repris 2 kilos dans la semaine qui a suivi (une part vient de la réhydratation je pense, pour le reste je sais pas trop ?). Ensuite ça c'est stabilisé et en fin de compte je pèse 4 kilos de moins qu'avant mon départ. Le GR10 : un bon moyen de perdre quelques kilos superflus ;)


Que prendre dans le sac ?
Le poids est l'ennemi du randonneur. J'ai rapidement arrêté de compter le nombre de randonneurs rencontrés et qui me disait avoir été au bureau de poste le plus proche au bout de quelques jours pour réexpédier plusieurs kilos de matériel chez eux !
Mon objectif était de partir avec seulement 10 kg, j'ai réussi à atteindre 11,5 kg (en incluant 4 jours de nourriture mais pas l'eau). En dehors de ce que je portais sur moi (vêtements, chaussures de marche) voici la liste de ce que j'ai emporté.


Ravitaillement
Tous les 2 ou 3 jours le GR10 passe par un village avec des commerces (voir le tableau précédent). Il est donc facile de se ravitailler pour les produits alimentaires courants (pain, fromage, jambon, fruits, biscuits, etc). Les refuges gardés proposent le plus souvent quelques produits à la vente, et également des sandwichs.
Pour les produits plus rares, comme les plats lyophilisés, il est impossible d'en acheter en route. J'avais donc fait un stock avant d'entamer mon périple. Et quand un proche venait me voir il me ramener un sac où j'avais laisser un grand choix de délicieux plats lyophilisés ;)
Voici une liste de la nourriture que j'avais dans mon sac.
Attention : Les topoguides ne sont pas forcément à jour avec les dernières infos ravitaillement et hébergement. Par exemple quand je suis parti en 2012 la dernière version du guide Pyrénées Ariégeoises datait de 2008. Certains villes indiquées comme point de ravitaillement ne le sont plus :
Fos est devenue une ville fantôme depuis la fermeture du poste frontière. Le seul commerce est une boulangerie.
La Pierre St Martin : Pendant l'été l'épicerie de la station n'est pas ouverte tous les jours, et les horaires d'ouverture sont étriqués. Il y a une épicerie à Lescun, où il vaut mieux faire le plein donc, car ensuite il n'y a rien sur le GR jusqu'au col de Bagargi.


Hébergements
Au départ j'avais prévu a visto de nas un tiers de nuit en refuge, un quart en bivouac/cabane, et le reste en gîte ou hôtel. à l'arrivée j'ai fait 4 nuits sous la tente, 3 en cabane, 10 en refuge, 18 en gîte, 9 en hôtel ou chambre d'hôte. évidemment les nuits en bivouac ou dans une cabane sont gratuites mais après en avoir abusé la première semaine je m'en suis vite lassé et j'ai aspiré à un peu plus de confort. De plus ranger une tente mouillée le matin n'est pas très agréable, donc quand le temps n'est pas de la partie une nuit en gîte est bien alléchante. Avoir la tente à plier puis à ranger au fond du sac me rajoutait 20 minutes de préparation le matin (ensuite il faut tout réorganiser dans le sac). De plus j'ai été échaudé par les cabanes après avoir été attaqué deux fois par des puces.
En général une nuit sèche en gîte coûte entre 12 et 18 euros, la demi-pension est entre 32 et 38 euros. Une nuit en refuge coûte autour de 15 euros. Dans les refuges CAF, plus chers, compter 20 euros. La demi-pension dans un refuge CAF peut monter au dessus des 40 euros... Dans les refuges le petit-déj se résume souvent à une boisson chaude et pain (de la veille souvent)-beurre-confiture. Pour ceux qui aiment les gros petit-déjs c'est insuffisant. C'est pourquoi j'ai vite arrêter de payer 5-6 euros et je me faisais mes petit-déjeuners moi-même. à l'inverse les repas du soir sont souvent copieux.
Certaines étapes me laisseront des souvenirs inoubliables. J'aimerais donc décerner un prix spécial au Petit gîte de Siguer aka 'Chez Fabrice', ainsi qu'au gîte d'Esbints. Au niveau des refuges l'accueil fut très sympathique partout mais il le fut encore plus au Rulhe et à l'étang d'Araing. Si l'Ariège est reconnue à la quasi-unanimité comme la partie la plus rude du GR10, elle est aussi et en revanche la plus accueillante et la plus riche humainement ;)


Puces, punaises et autres invités surprise
Les moustiques, très présents quand je bivouaquais dans les Albères, ne sont finalement qu'une gêne mineure comparée à ce qui va suivre...
J'ai été attaqué par des puces dans la cabane de Pinatell où trainaît des couvertures sur les bas-flancs. Il m'a fallu plusieurs jours pour m'en débarasser en lavant toutes mes affaires tous les soirs et en m'aspergeant de répulsif. Très contraignant surtout quand le temps est couvert et que les habits ont du mal à sécher. Quelques jours plus tard d'autres piqûres de puces sont apparues sans que je sache vraiment où j'aurais été de nouveau contaminé.
Suite à mes expériences avec les puces j'ai commencé à développer une parano par rapport aux punaises de lit dont certains gîtes du Pays basque seraient infestés d'après tous les randonneurs que je croisais. Apparemment les chemins de St Jacques de Compostelle sont bel et bien infestés depuis plusieurs années et cela se propage maintenant sur le GR10. J'ai modifié mon étape entre la Pierre et St Engrâce pour éviter ces bêbêtes peu amicales. à St Jean Pied-de-port j'ai évité les gîtes et préféré une nuit à l'hôtel.
J'ai croisé plusieurs randonneurs se plaigant des tiques, notamment en Ariège où il y a de nombreux passages dans les fougères. Pour ma part je n'en ai pas vue une seule.
C'était une année à mouches, et donc aussi à taons. Certaines étapes étaient infestées par ces bêtes peu amicales. Les piqûres font mal sur le coup mais ne laissent ni traces ni démangeaisons. Et ce qui est bien chez le taon c'est qu'il est lent, donc facile à écraser.
Il y avait beaucoup de vipères aspic cet été d'après les bergers. D'ailleurs j'ai failli poser mon sac sur une (sous un rocher sous un arbre), et j'en ai vu une autre dans un mur de pierres sèches. Attention à bien choisir où s'assoir pour la pause pique-nique ;)


Condition physique
Quelques conseils pour tenir la longueur :
- Faire une grosse pause le midi et enlever les chaussures pour se détendre les pieds. Les sécher si besoin. Les jours de pluie et/ou de brouillard il n'est pas possible de faire une pause au sec. Il est alors important de bien s'occuper de ses pieds le soir. Après plusieurs jours à marcher les pieds mouillés en Ariège j'avais un début d'ongle incarné...
- Ampoules. C'était ma grande crainte avant d'attaquer le GR et finalement je n'en ai pas eu une seule. J'ai suivi le même conseil lu plusieurs fois sur la toile et j'appliquais la crème NOK en me massant les pieds tous les matins et tous les soirs. Force est de constater que ça a marché car d'habitude j'ai plutôt une peau à ampoules.
- Faire 30 min d'étirements tous les soirs. Ça aide bien pour la récupération.
- Marcher tôt le matin, et encore plus tôt quand il doit faire très chaud. Mieux vaut faire 3h d'ascension à la fraîche que en plein cagnard.
- Faire des bonnes nuits de sommeil. 9h de sommeil ce n'est pas trop pour récuperer des efforts répétés. Se coucher tôt et se lever tôt, telle est la vie du randonneur/montagnard.


Orientation
Pour l'orientation une boussole plus le topoguide qui inclut des cartes au 1/50.000 m'ont été suffisant. Pas besoin d'altimètre ni de GPS. Le GR10 est très bien balisé. Si vous ne voyez pas de marquage pendant un quart d'heure c'est sûrement que vous vous êtes égarés ;) La boussole ne m'a pas beaucoup servi mais m'a été bien utile lors des étapes dans le brouillard, notamment sur le Pla de Montcamp.
Attention, si vous prévoyez des étapes hors GR (ou tout autre sentier bien balisé), les cartes au 25.000 sont indispensables.


La plus belle étape / la plus dure
On me pose souvent ces 2 questions.
Difficile de ressortir une étape du lot, mais certaines sont assurément magnifiques : Bouillouses-Bésines, Fos-Artigue (quelle vue du sommet du Bacanère !), la traversée du Néouvielle, et Gourette-Gabas-Ayous.
Les plus dures, dans mon sens Est-Ouest : Fos-Artigue (la montée vers le Bacanère est interminable, mais quelle récompense au sommet !), Gourette-Gabas ça fait une bonne distance. Pinatell-Mariailles était trop longue, surtout vu les conditions météo (canicule). Si c'était à refaire je découperais différement mon passage autour du Canigou. J'ai aussi galéré sur Clarans-Siguer, mais c'est surtout à cause de conditions météo exécrables ce jour là.


Best of GR10


Étapes spéciales
J'ai fait quelques étapes hors GR, pour gagner du temps et/ou me faciliter la tâche. Mon but premier était de réussir la traversée des Pyrénées, pas de suivre le GR10 au centimètre près.
St Lizier d'Ustou - Esbints
J'ai gagné une journée en évitant la montée par la station de ski de Guzet qui n'apporte pas grand chose. J'ai aussi évité le passage par la cascade d'Ars, qui est magnifique mais où j'ai déjà été maintes fois. Depuis Aulus j'avais donc prévu de passer par le col de LaTrappe pour dormir à St Lizier d'Ustou (2h). J'ai aussi voulu éviter la 'boucle' au pied du Valier pour gagner une autre journée. De St Lizier d'Ustou je devais donc suivre le GR Tour du Garbet vers Aunac (5h). Une vilaine météo et un non moins vilain rhume qui traînait m'ont finalement décidé à suivre la route en fond de vallée d'Ustou (2h). La marche était facile et sûre, la route étant peu fréquentée. À partir d'Aunac j'ai récupéré le GR10 vers Esbints.

Bonac-Étang d'Araing
Après être arrivé à Bonac la veille par le GR10E, cette étape m'a fait suivre la D4 jusqu'au lieu-dit Le Pont, puis la petite route jusqu'au parking de Frechendech (4 km au total) où j'ai rejoins le sentier qui monte directement à l'étang d'Araing à travers une très belle hêtraie. Pour 2 raisons : d'abord c'est bien plus court, ensuite plusieurs GRistes que j'avais croisé m'avaient dit que le 10E n'est pas entretenu et donc quasiment impraticable (ronces, etc) entre Eylie-d'en-Haut et Bonac.

Luchon-Loudenvielle
Une étape faite maison dans un coin que je connais bien. De la gare de Luchon je suis monté par le sentier de l'autre coté du rond-point pour rejoindre le GRP Tour du Larboust, passer les crêtes au dessus du Peyresourde et redescendre côté Louron en une seule journée (au lieu de 2 ou 3 jours par le GR 10). On ne passe certes pas dans le cadre majestueux d'Espingo, mais cette longue étape offre un cadre bucolique et de très beaux belvédères sur les 3000 du luchonnais.




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